Je me suis essayé hier soir à la transcription d'une anecdote que vous connaissez pour la plupart.
Je vous parle d’un homme, d’un tout petit homme, qui vivait avec une femme, une grosse et affreuse femme. Le petit homme vivait de sa petite retraite. Il avait travaillé très dur toute sa vie, il avait été un tout petit facteur, un tout petit plombier puis un tout petit résistant dans une grosse et affreuse guerre contre de gros et affreux monstres sans pitié et sans humanité. Ce tout petit homme vivait avec sa grosse femme dans une toute petite maison, dans un petit village. Sa grosse femme, il la connaissait depuis qu’il avait vingt ans. Cette femme n’avait pas toujours été grosse et affreuse, elle avait même été belle. Mais cette femme avait toujours été blessante et envahissante. Tout le monde la détestait, mis à part son énorme chat gris et pelé, qui la suivait sans arrêt à travers la toute petite maison.
Le tout petit homme se souvient. Il y a de cela soixante ans… Son horrible femme avait décidé que le meilleur ami de son tout petit mari n’était qu’un horrible va-nu-pieds sans avenir et sans valeur. Elle avait donc concocté un plan aussi horrible qu’elle afin de briser l’amitié entre les deux hommes. L’horrible femme a été jusqu’à feinter une liaison avec le meilleur ami du tout petit homme pour briser celle-ci. Aujourd’hui, le petit homme connaît le fin mot de l’histoire, car son horrible bonne femme n’avait pas manqué de lui raconter la vérité, quelques années plus tard, afin de le détruire plus encore. Le tout petit homme et l’horrible grosse femme n’avaient jamais eu d’enfants. L’horrible femme détestait les enfants. Elle avait pourtant été enceinte une fois. Mais personne ne sait vraiment ce qu’il fut arrivé au tout petit bébé à la suite de l’accouchement. Le tout petit homme en fut tout bouleversé, et le village tout entier le soutint en lui apportant un très grand réconfort. La méchante femme n’était pas aimée des gens du village. Plusieurs fois, ils avaient parlé au tout petit homme, mais celui-ci s’obstinait à rester dans cette affreuse situation, avec une femme qui le martyrisait moralement. Le jeune boucher du village avait même lancé l’idée d’assassiner la méchante vieille femme dans son sommeil, et de faire passer le meurtre pour un accident. Mais le tout petit homme avait refusé.
Un jour cependant, la solution arriva, mes chers amis. La méchante bonne femme avait préparé une horrible soupe de légumes dépassés pour son tout petit mari. Elle mangeait un morceau de saucisson avec son pain frais. Le tout petit homme ne put s’empêcher de faire remarquer l’injustice et lui dit sur un ton de reproche :
« Non mais, pourquoi dois-je avaler cette horrible soupe aux légumes poicreux tandis que tu dégustes cet excellent saucisson que je suis allé chercher moi-même ce matin, horrible de femme ?
-Tu ne connais pas le sacrifice de soi, minable de tout petit mari ?
-C’est plutôt toi que je vais sacrifier un jour, horrible bonne femme ! »
Sur ces mots, l’horrible bonne femme grimpe sur sa chaise, ses deux énormes pieds reposant sur sa petite chaise. Elle saisit une petite corde qui traînait par-là sur le buffet, la noue autour de son cou et l’attache au crochet du plafond.
« Hahahaha ! Misérable petit homme, tu aimerais donc tant que je meurs, non ? Il en serait terminé de ton calvaire ! Eh bien non, vois-tu, je vis encore, et je vis encore pour longtemps. »
Le tout petit homme se leva lentement, s’approcha de son horrible femme, et dans un dernier soupir d’exaspération, donna un minuscule coup de son tout petit pied dans la toute petite chaise qui liait encore l’horrible bonne femme à sa misérable vie.